Crosslinguistic perspectives on second/foreign language education: challenges and opportunities

Coordonné par Shona Whyte (Université de Nice Sophia Antipolis), Henry Tyne (Université de Perpignan – Via Domitia)

Interventions (6) : Alex Boulton (U Lorraine), Martin Howard (Cork), Françoise Olmo Cazevieille (Valencia), Denyze Toffoli (Strasbourg), Henry Tyne, Shona Whyte

Participation (10) : Amélie Bourdais (Lyon 2), Katy Brickley (Cardiff), Emmanuelle Cheippe-Ritt (Strasbourg), Malgorzata Jaskula (Rouen), Maria Kihlstedt (Nanterre), Wanphut Lang (Nord), Anna Mazenod (Lyon 2), Jean Paul Narcy-Combes (Sorbonne), Marie Françoise Narcy-Combes (Nantes), Biagio Ursi (Lorraine).

En introduction S. Whyte évoque la place de l’AFLA et du réseau de recherche Crosslinguistic Perspectives (AILA ReN) dans le paysage de recherches francophones avec un retour sur l’histoire de la linguistique appliquée (LA) à partir des années 1950. Dès 1965 les chercheurs en lexicologie, traitement automatique des langues, même en linguistique de l’énonciation ont quitté la LA : c’est l’exception française. La didactique des langues (DDL) s’est construite en France à partir des années 1970 par opposition d’une part à une linguistique appliquée déjà abandonnée, d’autre part aux travaux en méthodologie et en formation des enseignants du FLE, et enfin également à l’exclusion des recherches en acquisition d’une langue seconde (domaine psycholinguistique qui prend forme en France au début des années 1980). Quelles intersections aujourd’hui entre L2 studies et DDL pour quelles finalités ?

Dans une première partie du symposium sur la linguistique de corpus, H. Tyne évoque la diversité de pratiques dans la constitution de corpus écrits et oraux (Boulton & Tyne 2014) et cite Williams (2005) pour admettre les corpus littéraires et non-constitués. Quant à l’utilisation des corpus dans l’enseignement des langues, dans les recherches anglosaxonnes le mot corpus renvoit au développement de la lexicographie, alors qu’en France il est associé surtout aux travaux de Blanche-Benveniste (Blanche-Benveniste et Jeanjean 1987). A. Boulton interroge les pratiques de synthèse de la recherche devenue très courante dans notre domaine. Il prend pour exemple ses propres travaux en apprentissage sur corpus (ASC en français, DDL pour data-driven learning en anglais) et distingue deux types de procédé : la méta-analyse et la synthèse narrative (Boulton & Cobb 2017). Son exposé souligne d’importantes divergences de méthodes, analyses et résultats dans les synthèses et met en garde contre la tentation pour les auteurs de trier sur le volet (cherrypick results). Dans son intervention sur la terminologie en traduction, F. Olmo Cazevieille explique le travail terminographique qui se base sur des corpus de textes scientifiques et techniques et qui permet de faire face à des difficultés telles que absences de terme ou néologismes (Cabré 2016). Ce travail comprend la constitution de fiches terminologiques et la création de glossaires electroniques et peut être entrepris en projet collaboratifs avec des étudiants.

Dans une deuxième partie sur l’enseignement-apprentissage d’une L2, D.Toffoli interroge la relation entre l’apprentissage informel et d’autres moments d’apprentissage. Le domaine de l’apprentissage informel comprend plusieurs acronymes : OILE (online informal learning of English); IDLE (informal digital learning of English); AIAL (apprentissage informel de l’anglais en ligne) et AILL (apprentissage informel des langues en ligne). Les liens et les différences entre enseignement et apprentissage posent également problème et la théorie des systèmes complexes permet de prendre en compte certaines difficultés liées à la complexité de la langue, de l’apprentissage ou de l’apprenant. Notre statut de bilingues et de biculturels nous donne accès à la polysémie avec ses possibilités multiples.

Pour sa part M. Howard évoque un contexte d’apprentissage L2 bien particulier et parfois négligé par enseignants et chercheurs : study abroad (SA), qualifié par Coleman de milieu ‘pseudo-naturel’ (Regan, Howard & Lemée 2009). Il s’agit d’un groupe très divers (court ou long séjour, école / collège-lycée / université) désormais reconnu comme sous-domaine de la LA. L’occasion d’approfondir nos connaissances du domaine est proposé par le projet européen SAREP (study abroad research in European perspective, 150 membres travaillent sur des langues différentes) axé sur des notions clés telles que l’input, development, social integration, individual differences, interculturality – autant de termes qui sont difficilement traduisibles. La dernière communication par S. Whyte reprend les termes acquisition and learning puis communicative competence pour montrer les différentes interprétations des chercheurs travaillant en anglais et en français (Cuq 2006, Galisson & Coste 1976). Elle rappelle le distinguo fait par Long (2017) entre instructed second language acquisition (ISLA) et language teaching research, ce dernier se rapprochant de la didactique des langues. Elle propose également l’exemple d’une étude récente par Pfenninger et Singleton (2018) sur l’apprentissage de l’anglais en milieu scolaire (en Suisse) comme type de recherche qui permet de faire collaborer didacticiens et acquisitionnistes travaillant en français dans une linguistique appliquée renouvelée.

A la suite des interventions les participants soulèvent des questions de recherches en apprentissage précoce d’une L2, et sur la motivation des apprenants. Surviennent également des questions sur le rôle de l’enseignant par rapport à l’autonomie de l’apprenant, la question de cadres et de repères théoriques, l’exploitation des corpus pour l’enseignement-apprentissage des langues (selon de Bot 2015, la première définition de la linguistique appliquée concerne ‘la solution de problèmes du monde réel avec les outils de la linguistique’). Quelle serait l’utilité d’une étude de corpus de recherches en L2 studies et didactiquqe des langues pour dessiner les contours du domaine et souligner des points de divergence et de convergence dans les deux langues ?

Bibliographie

Blanche-Benveniste, C., & Jeanjean, C. (1987). Le français parlé: transcription et édition. Éditions Interco.

Boulton, A., & Cobb, T. (2017). Corpus use in language learning: A meta‐analysis. Language Learning, 67(2), 348-393.

Boulton, A., & Tyne, H. (2014). Des documents authentiques aux corpus. Didier.

Cabré, T. (2016). 2 La terminologie. Manuel des langues de spécialité, 12, 68.

Cuq, J. P. (2006). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde.

De Bot, K. (2015). A history of applied linguistics: From 1980 to the present. Routledge.

Galisson, R., & Coste, D. (1976). Dictionnaire de didactique des langues: la conception de l’ensemble de l’ouvrage. Paris: Hachette.

Long, M. H. (2017). Instructed second language acquisition (ISLA): Geopolitics, methodological issues, and some major research questions. Instructed Second Language Acquisition, 1(1), 7-44.

Pfenninger, S. E., & Singleton, D. (2018). Starting age overshadowed: The primacy of differential environmental and input effects on L2 attainment in an instructional context. Language Learning.

Regan, V., Howard, M., & Lemée, I. (2009). The acquisition of sociolinguistic competence in a study abroad context (Vol. 40). Multilingual Matters.

Williams G. (éd.). 2005. La linguistique de corpus. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Postures langagières professionnelles en milieux éducatif, social et clinique : modalités d’apprentissage du langage et implications pour la formation

Coordonné par Caroline Masson (Université Sorbonne Nouvelle)

Tiphanie BERTIN*, Stéphanie CAET**, Emmanuelle CANUT**, Christine DA SILVA GENEST***, Ingrid GIBARU****, Magali HUSIANYCIA*****, Lucie MACCHI**, Caroline MASSON*, Cédric PATIN**

* Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 & EA 7345 CLESTHIA ** Université de Lille & UMR 8163 STL  *** Université de Lorraine & EA 3450 Devah **** Centre hospitalier de Lens ***** AsFoReL & UMR 7118 ATILF

Le symposium avait pour objectif de présenter des démarches issues d’expériences de terrain dans lesquelles nous adoptons une double posture : celle de chercheurs qui élaborent et diffusent de nouvelles connaissances mais également qui accompagnent la modification des représentations et des pratiques langagières des professionnels.

Les communications se sont focalisées sur la notion de « postures langagières professionnelles » en s’interrogeant sur la transmission des résultats de la recherche et les implications pour la formation et la constitution d’outils d’expertise auprès de différents types de professionnels : personnels de structures d’accueil collectif du jeune enfant (crèche, halte-garderie), enseignants, formateurs auprès de jeunes migrants et d’adultes en situation d’illettrisme, orthophonistes. Chaque communication visait à rendre compte d’une facette différente de l’analyse des postures langagières et à montrer les effets d’une posture réflexive des professionnels sur leurs pratiques langagières pour l’accompagnement de l’apprentissage du langage, quels que soient le contexte et le type de public en face du professionnel.

Les questions de la salle ont porté sur :

La place de la multimodalité : dimension peu exploitée dans le projet avec les crèches (communication 1). Comment l’intégrer, la valoriser auprès des professionnelles ? Comment en rendre compte davantage dans nos analyses et nos formations ? Pour les communicantes, les professionnelles étaient assez peu attentives au non verbal (hormis avec les enfants de moins d’un an) et n’ont pas exprimé de demandes sur ces questions. En revanche, elles ont exprimé des besoins sur les façons d’augmenter les prises de parole verbales des enfants et la formation s’est donc orientée vers la façon d’amener l’enfant à produire du langage, plus spécifiquement un langage explicite et décontextualisé. Dans cette démarche, la formation insistait auprès des professionnelles sur la nécessité de mettre en œuvre, dans leurs pratiques langagières, des modalités d’interaction explicites et décontextualisées plutôt que de proposer aux enfants des éléments compréhensibles uniquement dans l’ici et maintenant (« c’est quoi ça ? »). Il y a aussi une réflexion à mener avec les professionnelles sur la différence entre langage et langue et donc à les amener à conscientiser leurs objectifs dans leurs échanges avec les enfants (ex. séances avec livres, puzzles, etc.).

L’implication des parents (dans le projet petite enfance) : C’était une demande de la part des structures. Les questions portaient sur les manières de parler du langage de l’enfant avec les parents sans paraître intrusif ou donner le sentiment de juger les pratiques langagières familiales. Cela renvoie aussi à la formation de ces professionnelles, davantage tournée vers le soin et l’hygiène du jeune enfant, qui ne s’estiment pas assez expertes sur le langage pour conseiller, guider ou soutenir les parents. Dans le cadre du projet, les chercheuses ont proposé des pistes de réflexion aux professionnelles en montrant des expériences menées ailleurs dans l’accompagnement des parents au sein de structures d’accueil collectif du jeune enfant. On peut aussi penser que le développement de connaissances et d’une posture réflexive sur le langage ont contribué à mieux communiquer avec les parents sur ces aspects.

La place de la dimension métalinguistique : Dans les formations à destination des enseignants, un travail est mené avec eux sur les représentations qu’ils ont de la langue et de l’enseignement de la langue. Le travail sur la langue est souvent confondu avec des exercices de grammaire plutôt qu’un travail sur le fonctionnement de la langue. Il s’agit donc de les conduire à travailler les compétences langagières des élèves en leur montrant la différence entre norme et usage, linguistique et grammaire, épilinguistique et métalinguistique.

La linguistique appliquée aux corpus

Coordonné par Julien Longhi (Université de Cergy-Pontoise, IUF)

Le symposium « la linguistique appliquée aux corpus » faisait écho à la publication d’un numéro de la revue ELA (https://www.cairn.info/revue-ela-2017-4.htm) paru fin 2017: il rassemblait les différents auteurs, en incluant de nouvelles contributions. Les échanges ont été riches et denses, et ont notamment permis de présenter plusieurs contextes d’application de l’analyse de corpus: sécurité, radicalisation, traductologie, discours sensoriels (notamment en lien avec le vin), marketing, communication. La mise en valeur d’une linguistique située, du corpus comme terrain (Longhi 2018), et des gains théoriques à travailler sur des observables spécifiques parfois éloignés des corpus plus traditionnels/canoniques, a permis de donner à ce symposium une cohérence notable. 

Ce symposium a été très intéressant sur le plan scientifique, car il a prouvé une fois de plus l’intérêt de la linguistique appliquée pour la recherche en linguistique (que ce soit en analyse du discours, pragmatique, sémantique, traductologie, etc.). A noter notamment la présence de « jeunes chercheur.e.s » dont la recherche a permis d’attester l’actualité de la problématique du symposium, et des évolutions possibles pour mener une recherche académique en prise avec des besoins concrets. Ainsi, par exemple, Valérie Rochaix s’intéressait au patrimoine culturel et au processus de patrimonialisation, qui concernent le linguiste en tant que construction discursive (Paveau, 2009) : Appréhendée comme « acte de langage » qui permet  un ajustement du monde au mot (Searle, 1996),  elle oppose, sur le terrain, acteurs  institutionnels (politiques, économiques…), dotés d’un pouvoir performatif fort, et militants, acteurs faibles mais chaînons actifs du processus. L’analyse linguistique de leur discours sur la patrimonialisation, avec en arrière-plan la prise en compte d’enjeux historiques et sociaux,  permet de mettre au jour (voire d’accompagner) les mécanismes sémantico-discursifs et pragmatico-discursifs (Galatanu, 2018) qu’ils mettent en oeuvre pour transfomer les représentations de leurs contemporains et ainsi sauver quelques objets matériels ou immatériels de la destruction. De son côté, Matthieu Bach (qui représentait l’équipe Gautier/Bach/Méric) proposait une étude des discours du sensoriel au prisme de l’approche foucaldienne et phénoménologique du discours, et du paradigme de la linguistique située. Deux études de cas soulignent la nécessité d’une approche holistique, située et usage based de ces discours.  Enfin, Sandrine Graf, doctorante CIFRE, montrait que pour répondre à la demande sociale, il faut en amont un travail de traduction. Dans ses travaux sur les discours d’entreprise, cela prend la forme d’une analyse détaillée des métadiscours et du sentiment linguistique qui les sous-tend, puis mène à une ethnographie des pratiques professionnelles de la communication à l’origine des discours qui l’intéressent.

Sont également intervenu-e-s Nathalie Kübler sur « Traductologie de corpus et formation », Laura Ascone et Laurène Renaut sur « La radicalisation djihadiste sous le prisme de l’analyse du discours », et Julien Longhi (présentation du symposium et d’un cas d’étude sur l’attribution d’auteurs).